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«Sous un nom ou un autre,l’idée d’un être qui survit au corps se trouve à l’état de croyance instinctive et indépendante de tout enseignement, chez tous les peuples quel qu’il soit.»

Allan Kardec, Le livre des esprits, 1857

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Simon Beaudry, maison magloire / trace #1, 2021

Simon Beaudry, Maison Magloire / trace #9, 2022

Au milieu du 19e siècle, vers 1840, la maison du pilote Magloire Delisle accueillait des marins en escale. Jeux, débauches et rixes y étaient, disait-on, monnaie courante. Durant l’une de ces soirées, un combat éclate à l’issue duquel un marin est poignardé à mort. On décide de l’enterrer à la cave, à la hâte, pour camoufler l’affaire. Depuis, des plaintes se feraient entendre la nuit. Le lieu a été par la suite graduellement abandonné et se dégrade maintenant au fil des années.

À son arrivée à Rivière-Trois-Pistoles en 2019, l’artiste visuel Simon Beaudry découvre rapidement les légendes locales et s’y intéresse; le Gobelet perdu de la rivière, le Quêteux, le Cheval noir de l’église, et surtout, la légende de la Maison hantée et de son fantôme qui y rôderait. Il s’y rend régulièrement et documente ses visites en prenant des images et des objets qu’il trouve : ossements, petits corps d’animaux morts et divers objets non identifiés découverts autour des ruines de pierre.

À l’été 2020, 2021, 2022, l’artiste pousse encore plus loin sa démarche. Il rassemble une équipe de créateurs locaux composée de Seb Rioux, David Marin et Wina Forget. Sa conjointe Catherine Martellini se joint aussi au groupe. Ils filment à plusieurs caméras et à différents moments de la journée les ruines de la maison, puis installent ensuite des caméras à la maison pour capter des images pendant une plus longue période. 


Au départ, le projet consistait à créer une œuvre performative in situ en s’inspirant du fantôme des ruines et de la légende. En visionnant le matériel capté par les caméras durant le processus, certains documents révélaient des traces à l’image, des artefacts. L’analyse de ceux-ci n’a pas permis de les expliquer, qu’ils soient de nature artistique, technique ou sensorielle. Ces archives vidéos captées par l’équipe et assemblées sont aujourd’hui rendues public, sous le nom de projet «Maison Magloire, un projet fantôme».

D’autres versions de la légende existent et présentent des variantes dans le temps, les faits supposés et les personnages. L’une de ces versions les plus tenaces raconte qu’un employé de la maison serait tombé amoureux fou de la fille de Magloire Delisle. Se voyant interdire cet amour par Magloire, il aurait mis en œuvre un plan pour effrayer la maisonnée et se positionner en héros courageux devant la famille et le paternel. Dans son action, il fût pris en flagrant délit à briser l’une des fenêtres de la maison de l’intérieur en lançant une des pierres qu’il dissimulait dans ses poches pour créer le subterfuge. Magloire conclut que cet amoureux était le responsable du charivari tumultueux, des sons étranges, des objets déplacés et autres fenêtres brisées de la maison. Il fût renvoyé.


Cette version est l’une des plus rationnelles pour expliquer l’origine des phénomènes inexpliqués du lieu à l’époque de Magloire Delisle. Comment expliquer toutefois qu’encore récemment, les lieux et les alentours semblent toujours faire l’objet d’une malédiction? Lors de ses recherches à la Société d’histoire et de généalogie de Trois-Pistoles et à la bibliothèque municipale, Beaudry découvre un fait qui le trouble, confirmé par le chef de pompier Raphaël Bastille, capitaine du Service de sécurité incendie et sécurité civile de la ville de Trois-Pistoles. La maison pratiquement voisine, dite la maison rouge, passa au feu la nuit du 6 juillet 1986, tuant les deux hommes qui y habitaient. Les victimes furent tragiquement retrouvées au pas de la porte, enfermées, n’ayant pas réussi à sortir.

Les coordonnées de la maison hantée se trouvent ici : 48° 5’ 18. 0″ – 69° 15’ 34.0″

Pour y accéder, on emprunte l’étroit chemin de la Grève-de-la-pointe, à la jonction de la route 132. Elle se situe au milieu d’un champ appartenant au propriétaire Yann Hébert, entrepreneur et agriculteur. La maison est bordée par le fleuve, la rivière Trois-Pistoles et des lisières d’arbres sombres. Le camping Aux Flots Bleus et des maisons se trouvent à l’arrière, près de la grève.

Le régistre des propriétaires du lot montre que la maison a souvent changé de main et durant des périodes très courtes. On fait référence à cette maison de différentes façons à travers les époques: la maison hantée de Notre-Dame-des-Neiges, la maison hantée de Trois-Pistoles, la maison Leclerc et aussi la maison Magloire-Delisle. Toutes les versions de la légende se tiennent au temps où Magloire Delisle était propriétaire.

En 1843, Magloire Dubé acquiert le lot de la maison, puis il vend le terrain à Magloire Delisle en 1847. Ce dernier y aurait bâti la maison. En 1867, il vend à Nazaire Leclerc.

Sur les images, les deux Magloire (Dubé et Delisle) se ressemblent étrangement.

Au cimetière de Notre-Dame-des-Neiges-Trois-Pistoles, la tombe de Magloire Delisle se dresse depuis près de 150 ans, commémorant le célèbre propriétaire. 

«L’âme, en quittant le corps […] est quelque temps dans le trouble. […] Au moment de la mort, tout est d’abord confus; il faut à l’âme quelque temps pour se reconnaître (…) La durée du trouble qui suit la mort est très variable : il peut être de quelques heures, comme de plusieurs mois, et même de plusieurs années »
Allan Kardec, Le livre des esprits, 1857

Sur les lieux de la maison hantée, l’artiste trouve des pièces de métal rouillées et corrodées à moitié enfouies, comme si elles étaient recrachées par le sol. La forme de l’un de ces artefacts ressemble à une lame.

En consultant divers ouvrages, l’artiste trouve deux images qu’il inclut au projet. L’une montre un jeune marin inconnu, l’autre montre un escalier poussiéreux menant à un sous-sol, pièce non identifiée non plus. Ces images sont inquiétantes dans le contexte du projet et de la version la plus sanglante de la légende. 

«Les conséquences d’une mort violente est la prolongation du trouble spirite, puis l’illusion qui pendant un temps plus ou moins long, fait croire à l’esprit qu’il est encore au nombre des vivants »
Allan Kardec, Le livre des esprits, 1857

Il réussit également à trouver la photo d’autres propriétaires et voisins dans la documentation de la Société d’histoire et de généalogie de Trois-Pistoles et la bibliothèque municipale. L’artiste rassemble cette série d’images sélectionnées sous le nom générique de voisinage. Ces voisins savaient-ils quelque chose à propos de ce marin tué ? Par leur silence, ou leurs actions peut-être, en sont-ils complices ?

Durant ses visites à la maison hantée en 2019 et 2022, l’artiste, on le rappelle, avait fait la découverte sur les lieux d’animaux morts ou de morceaux, principalement des oiseaux. Beaucoup d’oiseaux morts. Plusieurs étaient des carcasses entières d’oisillons gisant sur la pierre.

L’une des «voisines» de la série photo tient dans ses mains un oiseau qui semble mort. La photo date des années 1920.

En ces lieux, même la nature et les restes des murs de pierres ressemblent à des visages et des corps pétrifiés dans le bois, les racines et la pierre.

Quelques images en rafale du lieu où se trouve la maison hantée prises par Simon Beaudry depuis 2019.

Une sélection d’extraits vidéos captés depuis 2019 dans le cadre de cette exploration sur le lieu de la maison sont répertoriés ici. Les documents consistent principalement en des vidéos, mais aussi quelques images, qui ont été sélectionnées parce qu’on peut apercevoir une présence spectrale.

Les recherches de l’artiste l’ont aussi mené à la Maison du Notaire de Trois-Pistoles où certaines images affichées au mur, d’abord passées inaperçues, montrent le fameux notaire Rousseau à la maison hantée, dirigeant parade ou concert devant celle-ci. Les images «voisinage», exposées et trouvées à la Société d’histoire et de généalogie de Trois-Pistoles, se retrouvent aussi sur les murs du notaire dans sa collection personnelle.

Dernier fait troublant, des copies vidéos dégradées ont été trouvées dans le sous-sol de la Maison du notaire Rousseau. Ces vidéos nous montrent différents points de vue, intérieurs et extérieurs des ruines de la maison hantée. La qualité est médiocre, mais on peut y voir des masses blanches pouvant s’apparenter à une présence. Ces liens que le notaire Rousseau entretiendra jusqu’à la toute fin de sa vie avec la maison, si l’on se fit aux photos exposées sur les murs, offrent un tout nouveau chantier de recherche sur le possible spiritisme du notaire et ses liens avec ce voisinage.

«Une âme errante et souffrante, devient incertaine de son avenir à laquelle vous pouvez procurer un soulagement que souvent elle sollicite en venant se communiquer à vous. »
Allan Kardec, Le livre des esprits, 1857

Maison Magloire / Projet fantôme

Le projet

Inspirée de la légende de la Maison hantée située à Notre-Dame-des-Neiges, aux abords de Trois-Pistoles, ce projet se jette sur la trace du fantôme de la Maison Magloire-Delisle. 

Pour qu’une légende et une mythologie s’installent et perdurent, le temps doit s’être écoulé suffisamment pour brouiller les mémoires. L’imaginaire s’y superpose alors, nous empêchant de départager le vrai du faux.

Maison Magloire / Projet fantôme s’inscrit dans un large projet développé par l’artiste transdisciplinaire Simon Beaudry. À l’intersection du projet anthropologique, du conte folklorique et de la création artistique, le volet présenté en primeur pour la toute première fois à la Maison du notaire à l’été 2023 propose une série d’oeuvres photos, vidéos, sonores et sculpturales troublant les pistes entre réalité et fiction, documentaire et récit, traces du passé et créations contemporaines. 

Ces œuvres constituent les traces de la présence de ce fantôme qui n’apparaît jamais clairement, mais dont les différentes manifestations sont pourtant ressenties. Cet être tente de se sortir de l’univers angoissant et contraignant qui l’emprisonne, ainsi que d’un passé tragique qui l’obsède. 

Démarche artistique de Simon Beaudry et procédés

À travers Maison Magloire / Projet fantôme, Simon Beaudry tisse des parallèles entre la posture restreinte et tourmentée du fantôme et celle d’un peuple ne disposant pas de sa pleine liberté d’agir. Il s’inspire des tensions entre matériel et immatériel, des transformations des récits à travers l’histoire, des peurs qui nous empêchent parfois de nous émanciper.

Le projet rend compte d’une légende et de mœurs locales. Il fait aussi le pont avec la place que nous accordons à l’histoire, à la commémoration, à la spiritualité, ainsi qu’à la conservation du patrimoine pour la mise en valeur de nos régions. Par son exploration entre le monde physique et le monde de l’imaginaire, l’artiste explore aussi le thème de l’hybridation qui est au cœur de sa démarche artistique depuis toujours.

Sa pratique transdisciplinaire explore l’identité québécoise et son hybridation afin de réinventer, transformer ou critiquer les morceaux qui constituent cette notion d’identité. Cette exploration active prend la forme d’un dialogue entre l’individu (moi) et la nation (nous) et engendre l’extériorisation d’une mythologie individuelle sur le pays québécois utopique.

Puisant dans le passé et le présent, il réinvente ce pays pour permettre à tous et à toutes de s’y joindre pour s’inventer un futur. Ainsi se créent les morceaux d’un pays libre non fixe, sans direction claire, qui se fabrique au fur et à mesure. Ce processus sans fin est changeant, vivant, comme le territoire et l’horizon qu’il permet de voir ou d’imaginer.

Au-delà du politique, un pays se crée par son histoire et son imaginaire et ce sont sur ces deux piliers que repose le projet Maison Magloire / Projet fantôme.

Un parcours d’œuvres

L’œuvre Maison Magloire s’inscrit dans une démarche documentaire autour d’un personnage de création, (ici, le fantôme) à l’instar de son projet La charge (2020), qui s’inspire de la pièce de théâtre La charge de l’orignal épormyable et de la vie du poète et dramaturge qui l’a créée, Claude Gauvreau. Elle poursuit d’autres œuvres qui, entre réalité et fiction, utilisent la performance, les archives et des images télévisuelles pour recréer une fiction avec des codes réels et documentaires tel Nécropolitiques (2014-2019) qui raconte la découverte de momies québécoises. Le projet poursuit aussi les thèmes et préoccupations de la série Acte de présence (2020-2022), déployée en septembre et octobre 2022 lors de la Manifestation JE/US à la biennale d’arts visuels de Longueuil, qui traite de la commémoration, de l’identité, de l’occupation du territoire et de la pertinence de commémorer les personnages du passé et de les ériger en statues pour tenter de fixer leur mémoire.

Jusqu’à présent, Beaudry a souvent exposé les traces de performances effectuées dans l’espace public, réactivées dans un lieu d’art conventionnel sous une forme ou une autre. Des photographies, vidéos, textes, objets, trames sonores et installations interactives permettent l’activation d’une histoire racontée à la manière d’un film ou d’une pièce de théâtre, mais en fragments (actes, chapitres, épisodes), que chacun peut décoder et ressentir librement. Un des meilleurs exemples pour démontrer ce genre d’œuvre globale est le projet d’exposition Québécosse, une identité et un pays transculturels (2018) et le documentaire Yes (2017). Tout le matériel ayant servi à construire ces deux œuvres sont issu d’un voyage en Écosse en 2014 dans le contexte du référendum sur l’indépendance écossaise.

Catalogue d’exposition

Découvrez le projet Maison Magloire en publication de type catalogue d’exposition en le visionnant ou en téléchargeant le pdf.

Équipe de production, collaborateurs, remerciements

Artiste visuel : Simon Beaudry
Rédaction : Simon Beaudry, Catherine Martellini, Alexandra Zawadzki-Turcotte
Recherche : Simon Beaudry, Catherine Martellini
Vidéo : Seb Rioux
Photo : Seb Rioux, Simon Beaudry
Retouche : Étienne Fortin
Son : David Marin
Discussion et exploration sur des mouvements de performance : Wina Forget
Montage hors-ligne : Seb Rioux, Daphné Lefebvre
Colorisation : Daphné Lefebvre
Montage en ligne : Emmanuel Mazeron
Support technique et installation-utilisation des caméras : Seb Rioux
Direction artistique et design du site maisonmagloire.com : Simon Beaudry
Programmation du site maisonmagloire.com : La Matryoshka – Stéphanie Genest
Impression des images : Atelier M. Séguin


Remerciements spéciaux

Philippe de Carufel, Alexandra Zawadzki-Turcotte, Dany Larrivée, Jean-Marie Dugas, Marimaud Morin-Dupras, Sébastien Ouellet, Raphaël Bastille, Sébastien Lépine

Partenaires, collaborateurs et financement

La MRC Les Basques – Animation culturelle et Projet structurant
La Ville de Notre-Dame-des-Neiges
La Maison du Notaire, centre en art actuel, Trois-Pistoles
La Société d’histoire et de généalogie de Trois-Pistoles
La bibliothèque Anne-Marie-D’Amours de Trois-Pistoles
Le Service de sécurité incendie et sécurité civile de la ville de Trois-Pistoles
Expozine BSL

Autres liens qui mènent à la maison hantée de Notre-Dame-des-Neiges – Magloire-Delisle

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